Il y a trop de travail en banque d’affaires ou en en cabinet de conseil ? Pas de scoop à l’horizon a priori. Les rémunérations importantes qu’offrent ce type de structures comportent deux risques : justifier toutes sortes d’abus en matière de droit du travail, et décourager les contestations et l’accès au droit de toutes et tous.
Hélas, c’est trop souvent lors d’un premier arrêt de travail que de nombreux cadres sont amenés à se poser sérieusement la question de leurs droits et de leur charge de travail. Beaucoup prennent contact avec un·e avocat·e, et c’est souvent le même constat : trop de travail oui, beaucoup de pression c’est vrai… Mais du harcèlement ? Difficile à dire. Et difficile à prouver. Ce que veulent beaucoup de professionnels, c’est partir vite « sans se griller ».
Sans vous griller d’accord, mais quid de vos droits ?
Une surcharge de travail chronique, ce n’est ni normal ni légal, a fortiori quand c’est votre santé qui paye les pots cassés. Et la note peut être salée pour votre employeur, car une surcharge de travail chronique peut caractériser à elle-seule une situation de harcèlement moral.
Outre le harcèlement, de nombreuses dispositions du Code du travail vous protègent contre la surcharge de travail – et font grimper la note – sous réserve de bien préparer son dossier :
- Manquement de l’employeur à son obligation de santé et de sécurité ;
- Violation des amplitudes hebdomadaires et/ou quotidiennes de travail ;
- Violation du droit au repos ;
- Paiement des heures supplémentaires une fois la convention de forfait-jours neutralisée (et cela arrive vite !)…
Alors comment ça se prépare un dossier ? Pour le comprendre, revenons sur le cas exemplaire de Coralie*. Celle-ci m’a contactée après un arrêt de travail pour épuisement professionnel. Elle a 2 ans d’expérience dans une banque d’affaires et c’est le premier arrêt de travail de toute sa vie.
Sa situation est malheureusement assez classique : horaires à rallonge, travail le week-end et durant ses congés, mails pressants à n’importe quelle heure de la nuit, remarques cinglantes par courriel avec toute l’équipe en copie…
Le premier réflexe à avoir dans ce cas-là : réunir les preuves qui sont déjà en votre possession, et vite. Dans le cas de Coralie, l’employeur a mis moins de deux semaines après son arrêt de travail pour lui couper ses accès professionnels. Il faut donc réagir vite, dès les premiers signes d’épuisement. Tout est bon à prendre : e-mails, slacks, échanges privés avec vos proches, comptes-rendus du CSE, échanges avec la médecine du travail, évaluations annuelles… Mieux vaut ratisser large au début.
Puis vient l’heure du tri et de l’analyse. Dans le cas de Coralie, nous avons recherché en priorité les traces de ses alertes (même subtiles) à sa hiérarchie, ainsi que ses échanges avec ses collègues qui démontraient que cette situation était généralisée dans la banque.
Il nous a ensuite fallu construire le dossier pour qu’il soit parfaitement solide avant d’entamer les négociations. Coralie a d’abord envoyé un e-mail d’alerte au service des ressources humaines pour expliquer les raisons de son arrêt. Comme souvent dans ce type de situations, la convention de forfait-jours n’était pas valable, et nous avons comptabilisé, heure par heure, le total d’heures supplémentaires non payées durant ces deux ans. Leur nombre était si important dans son cas qu’elles dépassaient le contingent, c’est-à-dire la limite maximum annuelle après laquelle des repos supplémentaires sont obligatoires.
Nous avons ensuite récolté des éléments médicaux auprès de son médecin, et réuni de façon formelle comme informelle des témoignages d’anciens et actuels salariés de la banque.
J’ai pu ensuite prendre attache avec le service des ressources humaines via un long courrier circonstancié sur les manquements avérés et le risque judiciaire pour la banque (sans oublier une référence subtile à l’Inspection du travail qui fait généralement son petit effet !).
Les négociations ont duré 3 mois, et nous avons été bien aidées par un arrêt très récent de la Cour d’appel qui venait de condamner une banque d’affaires à plus de 419 000 € de dommages et intérêts dans un dossier très similaire.
La morale de l’histoire ? Elle est double ! Tout d’abord, une faible ancienneté ne doit pas être un obstacle pour faire valoir vos droits dans ce type de situations. Surtout, un dossier, ça se construit, et rien de mieux pour cela que d’anticiper, d’être bien préparé·e et accompagné·e !
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* Le nom a été changé.